Troisième ville et deuxième port de Madagascar après Toamasina (Tamatave), Mahajanga (Majunga) est installé à l’entrée de la baie de Bombetoka, sur le gigantesque estuaire de la Betsiboka. Cette cité cosmopolite, au climat chaud et sec, a vécu de riches heures sous la royauté Sakalava. En témoignent les différentes étymologies que l’on prête à son nom (Mozangaye, « terre d’élection » Miji angaïa, la « ville des Fleurs »).
Histoire
Mahajanga aurait été fondé à la charnière des XVIIè et XVIIIè siècles sous le règne d’Andriamandisoarivo (1685-vers 1718), fils d’Andriandahifotsy et fondateur du royaume Sakalava du Boina.
En quelques décennies, Mahajanga supplanta Tongay, capitale du royaume, pour devenir un comptoir d’échanges actifs avec l’Afrique orientale, le Moyen-Orient et l’Europe.
Le Boina troquait des esclaves, des zébus, de la cire, du riz, du bois de charpente et des pierres précieuses contre des épices, des soieries, des armes et autres produits manufacturés. Ce commerce orchestré par les Antalaotra (« gens de la mer » arabes et comoriens métissés d’Africains) connut son apogée sous la grande Ravahiny (env. 1780-1808).
Mais alors que cette reine Sakalava était en excellents termes avec le roi Andrianampoinimerina, ses successeurs, divisés par des querelles dynastiques, ne surent résister aux visées expansionnistes de leur voisin merina et, en 1824, Radama Ier conquit le Boina et Mahajanga.
Cette occupation suscita toutefois une vive résistance de la part de la population locale – un incendie ravagea la majeure partie de la ville en 1825 – et les troubles ne cessèrent qu’en 1835, quand le roi Sakalava Andriantsoly abdiqua pour se réfugier à Mayotte.
Devenu sultan de cette île des Comores, il la plaça sous protectorat français en 1841 avec Nosy Be, Nosy Faly et Nosy Mitsio.
C’est ainsi que, après avoir accordé leur « protection » à Tsiomeko, la dernière reine Sakalava réfugiée à Nosy Be en 1837, et s’être emparés d’Antsiranana (Diégo-Suarez) en 1885, les Français choisirent de faire de Mahajanga la tête de pont de leur conquête de l’île.
Le 14 janvier 1895, les premiers navires du corps expéditionnaire qui devait atteindre Antananarivo en septembre accostaient dans le port.
Mahajanga aujourd’hui
Centre administratif et universitaire, la ville vit encore de la pêche et du commerce maritime – menacé par l’ensablement de baie de Bombetoka – mais aussi de l’agriculture (riz, tabac arachide, maïs, coton, kapok…) et elle possède des industries lourdes (cimenteries) et de transformation (abattoirs, huileries, sucreries, savonneries, filatures).
Cette cité balnéaire, à 580 km de la capitale, est aussi une destination touristique appréciée des Tananariviens.
Il est vrai qu’il fait bon se dorer sur ses plages et flâner, à pied ou en pousse-pousse, dans ses rues où l’architecture musulmane côtoie les vestiges de l’époque coloniale, où l’on rencontre les visages les plus divers – Sakalava, Tsimihety, Merina, mais aussi Arabes, Indiens, Comoriens, Chinois, Grecs… et Français.
La Vieille Ville
Avec ses maisons à varangue (véranda) et balustres, ses boutiques indiennes aux portes ouvragées et ses robustes demeures arabes aux murs crénelés, la vieille ville s’étend entre les quais et l’avenue de France, l’artère principale que dominent les murs ocre du tribunal.
Le Port aux Boutres
Les énormes quantités de latérite et de sables alluvionnaires que la Betsiboka charrie et dépose dans la baie empêchent Mahajanga de se doter d’un port en eaux profondes. Cargos et porte-conteneurs doivent mouiller au large et des chalands en assurent le chargement ou le déchargement.
Si l’activité portuaire décroît peu à peu et si les boutres aux couleurs pastel se font moins nombreux, on peut encore observer, en début de matinée et en fin d’après-midi, le ballet de dockers, des pousse-pousse et des semi-remorques.
Riz, sucre, ciment, noix de coco et coton sont chargés sur les chalands tandis que les voyageurs à destination de Katsepy attendent le bac sur le quai Barriquand.
Dans le port de Mahajanga dominent les boutres, navires d’origine arabe, semblables à ceux qui font le cabotage en mer Rouge. En malgache, botry est le terme générique pour « bateau ».
Le « Rova »
L’avenue du Rova, qui grimpe vers la caserne campée sur la colline, s’arrête devant une porte fortifiée, ultime vestige du fort construit en 1824 sur ordre de Ranavalona Ière par le général Ramanetaka, premier gouverneur merina de la région. La porte du rova a été récemment restaurée à l’initiative du Mozea Akiba.
Pousse Pousse
Héritage des apports migratoires asiatiques, des pousse-pousse multicolores faisant office de taxi ou de portefaix sillonnent Mahajanga. Ils sont tous ornés d’une devise, d’un proverbe ou d’un poème.
Varangues, Colonnes et Portes Sculptées
Fruit de multiples influences culturelles le patrimoine architectural de Mahajanga n’est pas le moindre de ses charmes : les anciens comptoirs arabes et indiens s’ornent de portes sculptées et de varangues et les édifices coloniaux, de colonnades néoclassiques légèrement colorées.
Mahajanga, Terre d’Islam
Mahajanga ne compte pas moins de vingt mosquées. Ces lieux de culte sont surtout fréquentés par les Karana, bijoutiers, commerçant et petits artisans d’origine indienne. Cette communauté musulmane à dominante shiite s’est substituée aux Antalaotra, partis massivement vers Mayotte dans le sillage du roi Sakalava Andriantsoly, en 1835.
Autres immigrants islamisés, les Comoriens (sunnites), jadis nombreux à Mahajanga, furent évacués en masse au terme d’émeutes sanglantes, en décembre 1976. Seul un petit nombre de ces « Sabena » (du nom de la compagnie aérienne qui les rapatria aux Comores) sont revenus depuis.