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L’Androy

    L’Androy s’étend entre le cours de la Menarandra, à l’ouest, et les premiers contreforts de l’Anosy, à l’est. A l’exception du bas Mandrare, mis en valeur depuis les années 1930 par de vastes plantations de sisal industriel, la végétation de l’Androy est celle d’une région subaride.

    Dans le bas Androy (au sud), très sec, les grès calcaires marins ou dunaires quaternaires restant domaine du bush et de la steppe, tandis que dans le haut Androy (au nord), plus humide, le socle cristallin et des terrains d’origine volcanique favorisent une savane arborée.

    Paradoxalement, le Sud est plus peuplé que Nord, mais tout est relatif : seulement un peu plus de dix habitants au kilomètre carrée…

    Le tracé de la RN 10, de Beloha à Amboasary, via Tsihombe et Ambovombe (toponymes qui marquent la prééminence socioreligieuse de l’élevage, Ombyzébu »), suit plus ou moins la frontière entre les deux Androy.

    Si la sécheresse sévit la majeure partie de l’année dans cette contrée méridionale, les orages de la saison sèche (décembre – avril) et les averses de juillet, de type méditerranéen, peuvent réserver de mauvaises surprises aux automobilistes en transformant plusieurs jours durant certains tronçons de la nationale en bourbiers.

    Androy, le Pays des Epines

    Trois arbustes sont chers aux Antandroy : le fantsiholitra (Alluaudia procera), le roy (Mimosa delicatula), épineux qui a donné son nom à la région et à ses habitants, et le raiketa (Opuntia dillenii) ou figuier de Barbarie.

    Beraketa doit son nom aux figuiers de Barbarie

    Introduits dans le Sud malgache par le comte de Modave au XVIIIe siècle, les raiketa couvraient jadis de vastes étendus, constituant une véritable manne en période de disette. Les figues nourrissaient les hommes et les feuilles, débarrassées leurs épines par un passage au feu, nourrissaient les bêtes.

    En dressant des haies pratiquement inextricables autour de leurs villages à l’aide de ces plantes charnues et épineuses, les Antandroy purent résister jusqu’en 1905 à la colonisation française.

    Mais, dans les années 1920, sur le conseil du botaniste Perrier de la Bathie, les français introduisirent une cochenille qui détruisit presque tous les figuiers de Barbarie en quelques mois, non sans provoquer une famine catastrophique.

    Dans ce pays où l’élevage des zébus et des chèvres s’ajoute à une maigre agriculture vivrière, la question de l’eau reste cruciale.

    Les rivières étant le plus souvent intermittentes, il faut puiser une eau légèrement saumâtre à des trous creusés dans le sable et approfondis chaque jour. A la fin de saison sèches, on fait la queue au bord du seul et dernier « puits », entretenu et recreusé sans cesse à grande-peine par tout le village. Ces vovo (trous d’eau) sont plus que providentiels …

    Vilon'Androy, un groupe mondialement reconnu

    Pour paraphraser Jean Féniès, ancien administrateur colonial, « la sécheresse détermine l’évaporation humaine ». Selon une longue tradition, quand elle vient à sévir, les Antandroy abandonnent leur village pour s’installer à Toliara (Tuléar, se faisant, pour nombre d’entre eux, tireurs de pousse-pousse), dans tout l’Ouest jusqu’à Antsiranana.

    (Diégo Suarez), voir sur les Hautes Terres. Certains ont même émigré à la Réunion dans les années 1920-1940

    Depuis les années 1990, le Fonds européen de développement (FED), la Food and Agriculture Organization (FAO) et maintes organisations non gouvernementales (ONG) déploient dans l’Androy une activité sans précédent, mais encore bien insuffisante, pour tenter de rationaliser la gestion des maigres ressources en eau (forage de puits, de canaux d’irrigation, construction d’impluviums…).

    En dépit de leur rude existence, les Antandroy, solides travailleurs, préservent avec force leur identité. Doués de réels dons artistiques, ils sont renommés pour leur talent musical et leurs chants rythmés.

    DE TRANOROA à TSIHOMBE :

    Beloha (61 km au sud de Tranoroa)

    Les étals du marché de cette ville-étape envahie par les sables rappellent la pauvreté de cette région frappée par les sécheresses: on n’y vend que des figues de Barabarie.

    Tsihombe (55km au sud de Beloha)

    Cette ville, qui se signale de loin par son relais de transmissions hertziennes, s’ordonne autour d’une petite place entourée de gargotes sur laquelle donne l’hôtel de ville et le marché.

    Mines de Saphirs

    Mines de Saphirs à Tsihombe

    En se renseignant auprès du conseil municipal de Tsihombe, il est possible de visiter les mines de saphirs d’eau à trente minutes de route à travers le bush, en suivant la piste qui passe devant le temple protestant.

    Les mineurs ont érigé leurs paillotes sur une colline et, dans la cour de chacune d’elles, des femmes trient les pierres d’un bleu dense en les étudiant à la lumière du soleil.

    Betanty (30Km au sud de Tsihombe, par une piste bien entretenue et jalonnée de tombeaux)

    Betanty doit son ancien nom de « Faux Cap » aux cartographes portugais qui, il y a cinq siècles, prirent le site pour la pointe méridionale de Madagascar, en réalité Tanjona Vohimena (cap Sainte-Marie).

    Sa longue plage de sable fin et son lagon très sûr ont fait de Betanty une agréable petite villégiature.

    On peut acheter de belles langoustes aux pêcheurs, faire des excursions en pirogue sur le lagon – et ainsi observer, d’avril à novembre, les baleines qui passent au large – et des randonnées jusqu’à Tanjona Vohimena (Cap Sainte-Marie) en bivouaquant sur les plages.

    Tanjona Vohimena (Cap Sainte-Marie)Tanjona Vohimena (Cap Sainte-Marie)

    A 50 km au sud-ouest de tsihombe.

    Ce site battu par les vents et signalé par un phare désaffecté marque la pointe sud de l’île. Tanjona Vohimena a été érigé en « réserve spécial ».

    Ambovombe (67 km à l’est de Tsihombe)

    Chef-lieu de l’Androy et important carrefour routier, Ambovombe est une ville animée, surtout le lundi, jour de marché. Toute la semaine, les artisans proposent sagaies et chapeaux antandroy, objets en bois de rose et pierres fines devant la station des taxis-brousse.

    Amboasary-Sud (35 km au nord-est d’Ambovombe)

    Amboasary Sud

    Cette petite ville de la basse vallée du Mandrare est le centre d’une région productrice de sisal, et le débouché des mines de saphirs des chaînes anosyennes qui, depuis 1994, attirent des prospecteurs et lapidaires taiwanais, thaïlandais, européens et américains.

    A l’est de la ville, un pont métallique construit durant la période coloniale par la société de Gustave Eiffel enjambe le Mandrare.

    Ce fleuve, dont le lit atteint 400 m de large par endroits, roule des flots tumultueux à la saison des pluies, mais à la saison sèche, il se réduit à de grandes nappes d’eau où les villageoises des environs viennent par certaines laver leur linge.

    Musée de l’Androy, Réserve de Berenty (5 km au nord-ouest d’Amboasary)

    Un musée de l’Androy, baptisé Arimbelo (« charbon de vie »), s’est ouvert en 1995 dans cette réserve naturelle privée de 265 Ha, véritable oasis sur le cours du Mandradre. Comme la réserve, il a été constitué à l’initiative du planteur et hôtelier Jean de Heaulme.

    La réserve de Berenty où on peut visiter le musée de l'Androy

    Ses quatre salles présentent les Antandroy dans leur environnement, leur vie quotidienne, notamment à travers leur artisanat et les grandes cérémonies qui jalonnent leur existence, et retracent l’histoire de la région en faisant état des recherches archéologiques.

    Le musée propose également une réflexion sur l’environnement et le développement.
    On peut y voir une maison ancienne remontée avec une exactitude scrupuleuse et, à l’extérieur, la reconstitution d’un tombeau ancien et un petit enclos familial avec ses maisons construites et aménagées selon la tradition.

    Arimbelo est le nom du morceau de charbon de bois qu’un père (ou une mère) mouille de sa salive ou d’un peu d’eau pour tracer un trait vertical sur le ventre de son enfant et ainsi le bénir en lui transmettant sa force vitale.

    Antanandava et le Lac Anony

    Le Lac Anony

    Près du village d’Antanandava (à une dizaine de kilomètres au sud d’ Amboasary) et de l’embouchure du Mandrare se développe un bel ensemble de dunes vives dont on peut observer la progression inexorable sur la végétation.

    D’Antanandava, il est possible de gagner la rive du lac Anony (25 km au sud-est d’Amboasary), vaste plan d’eau salée propice aux sports nautiques qu’un épais cordon de dunes blanches sépare de la mer.

    Passé le col de Ranopiso, la végétation change radicalement, témoignant de la barrière climatique qui sépare l’Ouest sec de l’Est humide.

    Lamba Antandroy

    Le tissage des lamba (« tissus ») en soie sauvage s’est maintenu dans quelques localités de l’Androy. Les lamba rouges de la région d’Ambondro sont vendus sur les marchés d’Amboasary (dimanche), d’Ambovombe (lundi), de Beloha (mardi), de Tsihombe (vendredi) et bien sûr d’Ambondro (samedi).

    Les lamba noirs de Tranoroa et de Bekitro s’achètent sur les marchés locaux mais aussi directement aux tisserandes. Par ailleurs, ont peut se procurer de très beaux lamba traditionnels d’Ambondro au musée de l’Androy, à Berenty.

    Le Tombeau Antandroy

    Le Tombeau Antandroy

    Le tombeau antandroy est une construction parallélépipédique, jadis en pierres sèches, dans le Nord, en palissade de bois imputrescible dans le Sud sablonneux, aujourd’hui en maçonnerie.

    Le modèle le plus simple mesure de 5 à 6 m de côté et s’orne de motifs géométriques blancs. Les plus riches atteignent une vingtaine de mètres de côté et sont couverts de fresques. Un édifice central abrite le cercueil. Il existe aussi un modèle plus sobre, en belles pierres de taille.

    Les poteaux sculptés (aloalo) surmontant les tombeaux sont une tradition du pays Mahafaly adoptée dans la région limitrophe de Beloha, celle où l’on peut admirer les sépultures les plus imposantes.

    Funéraille Antandroy

    Plusieurs mois s’écoulent entre le décès et l’inhumation du défunt. Des cérémonies avec sacrifice de zébus, ont lieu dans l’intervalle.

    Cérémonies Antandroy

    Cérémonies Antandroy

    Dans l’Androy, clans et lignages sont les cadres à l’intérieur desquels chaque individu trouve son identité. Un lignage réunit la totalité des descendants en ligne paternelle d’un ancêtre unique, souvent un millier de personnes.

    Les grandes cérémonies – invocation des ancêtres (soro), rituel préparatoire à la circoncision (savatse), funérailles – se tiennent traditionnellement au pied du hazomanga (pieu sacré qui matérialise sous la forme d’un faisceau de piquets taillés en pointe le lien unissant tous les membres vivants et morts d’un même lignage).

    L’hazomanga est placé sous la garde du mpisoro, patriarche du lignage et chef du rituel. Les lignages du nord de l’Androy sont très respectueux de leur hazomanga et de leur mpisoro. Dans le sud, en revanche, les mpisoro se faisant rares, les soro se déroulent dans le cadre familial sous l’autorité du père.

    Robert Drury

    Robert Drury

    Ce marin anglais, jeté par un naufrage sur les côtes du pays des Epines en 1701, fut réduit en esclavage par les Antandroy.
    Ayant su nouer de solides complicités et ainsi déjouer tous les pièges destinés à éprouver sa loyauté, Drury s’imposa dans l’entourage des rois du Sud et participa aux combats que ses maîtres livraient aux Mahafaly et aux Masikoro.

    Il s’évada plusieurs fois et changea même de camp… Il retourna en Angleterre en 1716, narra ses aventures et décrivit les mœurs des Antandroy et de leur voisins dans un journal resté célèbre (Daniel Defoe aurait, en fait, rédigé cet ouvrage et profité des connaissances du marin analphabète pour écrire Robinson Crusoé).

    Tenaillé par la nostalgie, Drury finit par repartir, en 1734, pour la Grande île, où il se livra à la traite des esclaves.


    Bibliographie

    « 1943 est un millésime non encore oublié, celui d’une des plus grandes disettes de l’Androy. Grande année aussi pour le commerce local qui accumule, par sacs entiers, les bijoux dont les femmes tandroy se défont contre quelques poignées de vivres ! Des êtres faméliques se traînent en direction du Manambovo ou de Fort Dauphin, et y parviennent, à bout de ressources, pour y mourir le plus souvent. Quinze mille individus disparaissent ainsi. »

    Jean Féniès, « Migration tandroy » Bulletin de Madagascar. n° 138, 1957

    « Le désarmement des guerriers ne se fit pas sans peine: de 1901 à 1903, il fut retiré 12 232 fusils, mais les Antandroy savaient renouveler leur arsenal. Les forgerons de Bekily et Bekitro excellaient dans l’art de fabriquer des apparences de fusils avec quelques vieilles pièces hors d’usage.
    Lorsque l’administration confisquait les fusils, les guerriers livraient des armes hors d’état de servir et cachaient soigneusement les autres. »

    Jean Oberlé, Provinces malgaches, 1979